J'errais à votre recherche en des lieux où je savais ne pas vous rencontrer. Je jouais à Pétrarque en quête d'une Laure improbable qui vendait des dessous dans quelque boutique d'un rose de dragée, grisée de parfums brassés, des N°5 avec des
Shalimar, des
Cabochard avec des
Calèches, sur quoi surnageraient des odeurs de femmes, des effluves de sueur et d'aisselles négligées. J'entrais dans des cinémas pour voir des films aussitôt oubliés .Je marquai un temps d'arrêt devant la devanture de La Joie de Lire où naguère je n'aimais rien tant que farfouiller dans les bouquins et les plaquettes de vers,étalés sur les tables, ,alignés sur les étagères. Un jour , j'y avais déniché
Les damnés de la terre. La guerre d'Algérie battait son plein. Les C.R.S assiégeaient la place Maubert. Sartre haranguait les étudiants à la Mutualité,où Mouloudji venait de chantait
le déserteur. Boris Vian était mort d'avoir trop écumé les jours[....]
Bientôt, il fallut se rendre à l'évidence:Paris et moi avions changé depuis l'époque de Boul'Mich et du 115.Je n'étais plus ce jeune homme avide qui eût troqué un repas contre un livre. Quant à ma patrie -Le Quartier Latin- on y croisait désormais davantage de touristes japonais, caméras en bandoulière que d'étudiants désargentés. Mai 68 avait dynamité l'Université dont les éclats avaient essaimé aux quatre coins de la ville. Mais le bistrot tapi au pied de la Sorbonne, était demeuré tel que je l'avais laissé.
Ali Bécheur
Les rendez-vous manqués
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