Quiconque a vu Leila glisser une cigarette entre les doigts, la renifler,d'un geste preste sous ses narines frémissantes,approcher le briquet du tabac, les prunelles brillantes, la nuque tendue, le visage dévoré par l'attente, ,les lèvres gonflées qui semblent chuchoter"tu vas voir,ma belle combien tu embaumeras dès que tu brûleras"sait ce qu'est d'avoir rendez-vous avec le plaisir.Étincelles.Grésillements.Même le papier gémissait de joie. Ensuite,Leila portait la cigarette à sa bouche, aspirait avec la rigueur d'un e musicienne, fermait les paupières, renversait la nuque et l'on avait l'impression que la cigarette la pénétrait; à cause d'une contraction, de quelques spasmes -sa poitrine se soulevait, ses épaules se livraient au canapé,ses genoux s'écartaient -on sentait que son corps entier appelait la fumée, l'accueillait, la buvait, consentant à son envahissement. Lorsqu'elle rouvrait les yeux, les cils papillonnants, l'iris imprécis, elle évoquait une favorite qui émerge, tremblante, surprise, le pourpre aux joues, d'une nuit d'amour avec le sultan; on aurait dit, l'espace d'une seconde, qu'elle craignait de ne pas s'être rhabillée. Puis la main qui tenait la cigarette passait devant la bouche, ses lèvres attiraient l'objet, le saisissaient,et la fumée émanait de sa gorge, de ses mains, de ses narines,souple , dolente, flâneuse, d'un blanc magnifique, qui contrastait avec la chair sombre dont elle s'échappait.
Ulysse from Bagdad
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