Ce soir-là, nous sûmes que la vie de maman était changée.On entendit les robinets de la salle de bains jusque tard dans la nuit.Pierrot eu beau tambouriner,maman s'exerça à l’ignorer;Pour la première fois.
Le lendemain matin , nous l'avons regardée plier son tablier blanc et le ranger soigneusement dans son sachet en plastique.Ses gestes étaient d'une incroyable lenteur.Elle n'a pas osé lever les yeux sur nous .Je savais mieux qu'Amira, que dans quelques instants, en traversant la rue, elle aurait l'impression de marcher sur les cadavres de ses ancêtres , sur un passé que la distance a rendu encore plus glorieux .Elle profanerait la mémoire de tant d'oncles orgueilleux et de femmes au fort caractère, tant de guerriers et de seigneurs des terres!!
Djamila Bent Sidi Bou Ali, bonne chez les Français!
Ce pays dont je meurs
Fawzia Zouari
mardi 2 novembre 2010
dimanche 12 septembre 2010
Le temps des lilas
Kader se souvenait de l'époque heureuse que Leila nommait "le temps des lilas", par référence à la station métro proche de l’appartement. Il se rendait alors très souvent à Paris .A l'aéroport, il découvrait sa belle soeur qui l'attendait en trépignant. Dès qu'il déposait sa valise, elle l'entraînait dehors,, impatiente de lui faire découvrir tous les trésors de la grande ville pour laquelle Henri IV abjura. Elle l'incitait à se lever tôt , et dès le départ d e Houcine, elle l'emmenait à travers les rues. Kader ne pouvait oublier ces longues promenades au cours desquelles le sein ferme et doux de Leila venait s'écraser contre son omoplate avec une insistance qu'il se devait de mettre sous le compte de l’inadvertance. D'étranges maladresses favorisaient de brefs frôlements de main, et la trouble lueur de leur regard soulignait leur émoi réciproque .Si la pluie les dissuadait de sortir,ils s'installaient au salon et se mettaient à deviser si gaiement qu'ils ne voyaient pas le temps passer. Kader avait noté que la présence de Hocine tempérait la joie de Leila et que ses rires s'étranglaient dès l'entrée de son mari. Il dut espacer ses visites ...
Rachid Mimouni
La malédiction
samedi 7 août 2010
Confidences à Allah
En fait , ce que je veux Te dire Allah, c'est :Est-ce qu'on peut échapper à son destin?Est ce qu'une fille comme moi avait un destin, d'ailleurs?Est ce que Tu peux vraiment m'en vouloir d'avoir préféré un toit à la rue, un peu de chaleur au froid et un lit aux trottoirs? J'ai fait des choix tout à fait logiques. Et naturels.Qui voudrait être une mendiante?Personne.Pas moi.J'ai vendu mon corps. Je serai devenue quoi si je ne m'étais pas prostituée?J'aurai dormi dehors à côté des fous , des mendiants et des chiens.Non Allah, j'ai préféré faire ça pour avoir un toit,miteux mais un toit quand même.Tu sais bien que je ne l'ai pas fait par plaisir.Toi, Tu lis dans mon coeur alors tu sais tout.C'est de l'alimentaire comme on dit.Pardon Allah, de te parler aussi crûment , mais comme tu entends tout ce qu'on pense au plus profond de nous,ce n'est pas un ou deux mots déplacés qui vont T'offusquer, n'est-ce pas ?Je fais des choses horribles et je ne cesse de me confier à Toi.Toi le Pur. Mais c'est logique, il n'y qu'Un Pur qui puisse guider une impure comme moi.Je Te parle comme ça vient mais je Te respecte,Tu le sais. J'ai envie de pleurer, là.
Confidences à Allah
Safiah Azzeddine
lundi 24 mai 2010
La preuve par le miel
D'où jaillit l'amour?demande Ibn Arabi
J'aime ce qui m'éblouit et accentue l'obscurité au fond de moi, répond René Char.
Entre la question et l'esquisse de réponse,j'avançais vers le Penseur, et je prenais conscience du jeu dangereux qui se précisait entre nous.
Depuis que j'ai connu le Penseur, malgré toutes ces années écoulées , il ne s'est pas passé un seul jour sans que je pense à lui. Je ne peux désirer un homme sans penser à lui. Je ne peux lire un journal sans penser à lui?Chaque jour, quelque chose me fait penser à lui
Quoi?Qu'est ce qui me fait penser à lui?
Chaque détail de ma vie lui est relié. Avec lui, j'ai appris à nager doucement, à plonger dans mon ressac vers le fond, calme,certaine qu'il était à côté de moi, et qu'au moment où j'ouvrirai les yeux, je le trouverai là.
Salwa Ennaimi
La preuve par le miel
samedi 22 mai 2010
Dialogue ethnique
-J'ai du élever Mohammed comme Moise et Moise comme Mohamed dit Madame Rosa.Je les ai reçus le même jour et j'ai mélangé. Le petit Moise, le bon, est maintenant dans une bonne famille musulmane à Marseille,où il est très bien vu. Et votre petit Mohammed ici présent, je l'ai élevé comme juif;Barmitzwah et tout. Il a toujours mangé kasher, vous pouvez être tranquille.
-Comment il a toujours mangé kasher?Piailla Monsieur Kadir Youssef,qui n'avait même pas la force de se lever de sa chaise tellement il était effondré sur toute la ligne.Mon fils, Mohammed a toujours mangé kasher?Il a eu sa Bartmitzwa?Mon fils Mohammed a été rendu juif?
-J'ai fait une erreur identique, dit Madame Rosa.L'identité, vous savez, ça peut se tromper également,ce n'est pas à l'épreuve. Un gosse de trois ans, ça n'a pas beaucoup d'identité, même quand il est circoncis.Je me suis trompé de circoncis, j'ai élevé votre petit Mohammed comme un bon juif, vous pouvez être tranquille.Et quand on laisse son fils onze ans sans le voir, faut pas s'étonner qu'il devient juif!
-Mais j'étais dans l'impossibilité clinique gémit Monsieur Kadir Youssef!!
-Bon, il était arabe, maintenant il est un peu juif, mais c'est toujours votre petit , dit Madame Rosa , avec un sourire familial
Romain Gary
La vie devant soi
mardi 11 mai 2010
Dans la peau du "Gilles" de Watteau
Mon visage fut peint en deux matinées, dans le petit temple glacial que j'ai dit. D'ailleurs, la toile était presque achevée quand j'arrivai:c'était un grand Pierrot aux mains pendantes,au maintien stupide. L'avouerai-je?Moi qui n'a plus d'ambition, j'avais espéré chemin faisant d'être une fois figuré sous les traits d'un prélat, peut-être d'un prophète, et me serais plus volontiers contenté d'un métier de comparse dans une machine sacrée, lévite derrière Joad ou obscur témoin de la Passion, que de ce premier rôle d'enfariné qu'il entendait me faire endosser. Je demeurai stupide devant cette grande chose blanche; il feignait de s'aviser de mon embarras, qu'il avait évidemment prévu; il me fit de grandes excuses -il riait- et je m'efforçais d'en rire aussi:mon visage n'était-il pas n'importe qui, et qui d'ailleurs me reconnaîtrait , chez les gentilshommes où notre tableau serait accroché?
Pierre Michon
Maîtres et serviteurs
samedi 1 mai 2010
L'homme qui rit
Je représente l'humanité telle que ses maîtres l'ont faite. L'homme est un mutilé. Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au coeur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. Où s'était posé le doigt,de Dieu, s'est appuyée la griffe du roi. Monstrueuse superposition. Évêques, pairs et princes, le peuple c'est le souffrant profond qui rit à la surface. Mylords, je vous le dis, le peuple, c'est moi. Aujourd'hui vous l'opprimez, aujourd'hui vous me huez. Mais l'avenir, c'est le dégel sombre. Ce qui était pierre devient flot. L'apparence solide se change en submersion. Un craquement, et tout est dit. Il viendra une heure où une convulsion brisera votre oppression, où un rugissement répliquera à vos huées. (...) Tremblez. Les incorruptibles solutions approchent, les ongles coupés repoussent, les langues arrachées s'envolent, et deviennent des langues de feu éparses au vent des ténèbres, et hurlent dans l'infini ; ceux qui ont faim montrent leurs dents oisives, les paradis bâtis sur les enfers chancellent, on souffre, on souffre, on souffre, et ce qui est en haut penche, et ce qui est en bas s'entrouvre, l'ombre demande à devenir lumière, le damné discute l'élu, c'est le peuple qui vient, vous dis-je, c'est l'homme qui monte, c'est la fin qui commence, c'est la rouge aurore de la catastrophe, et voilà ce qu'il y a dans ce rire, dont vous riez !
L'homme qui rit
VictorHugo
mardi 20 avril 2010
La qualité de l'amour
L'amour n'a pas besoin de motif, on aime et cela suffit;mais la qualité de l'amour,elle,a un motif.
On aime sans raison;mais si l'on aime avec tristesse ou avec joie, avec tranquillité ou avec inquiétude,avec jalousie ou avec confiance, il existe au fond une raison quelconque.
Alberto Moravia
L'ennui
jeudi 18 mars 2010
La dernière odalisque
Le prince Fayçal Bey a fini par découvrir l'incroyable destin de Safiyé. Elle a dix ans quand elle échappe, en 1919, au massacre de toute sa famille et fuit les rudes montagnes du Caucase pour les splendeurs des palais d'Istanbul. Le déclin de l'Empire ottoman anéantit ses espérances. Princesse esclave, Safiyé est alors offerte à l'épouse du bey de Tunis. Ancienne odalisque elle-même, celle-ci la guide au sein des intrigues du sérail. Des années plus tard, Safiyé épouse, sans l'avoir jamais vu, un prince qui se révélera l'amour de sa vie. Après des années de bonheur et de drames, de luttes politiques et de complots, Safiyé sera une fois encore rattrapée par l'histoire et, en 1957, emprisonnée avec toute sa famille par Bourguiba
Autour du livre
C'est l'émir Fayçal-Bey qui parle et fait rire ainsi son auditoire serré, que ce soit le Tout-Tunis accouru à Dar Hamouda-Pacha, exquis palais récemment ouvert au public dans la Médina, au lycée Flaubert ou dans une librairie de quartier qui, les jours précédents, a écoulé six cents exemplaires de sa Dernière Odalisque. "Du jamais-vu en Tunisie !", s'enthousiasme le libraire. En France, le téléphone arabe a réussi cette année à faire vendre plus de 15 000 unités de ce "roman" qui est en fait une tranche d'histoire intime sur le dernier demi-siècle du régime beylical, vu par une odalisque caucasienne, belle-fille de Lamine Ier et grand-mère de l'auteur. La Turquie, l'Espagne, l'Allemagne, le Liban ont acquis les droits de traduction sur un livre qui ne montre pas toujours Bourguiba sous son meilleur jour - par exemple quand, en pyjama, peu après le renversement de la royauté, il reçoit l'odalisque venue réclamer la libération de son mari et, encoléré par cette demande, fracasse contre un mur sa radio en galalithe..
Les odalisques
. Des odalisques, c'est-à-dire des concubines serves dans la Tunisie du protectorat français (1881-1956) ? "Mais, oui, cher monsieur, la France laïque et égalitaire s'était engagée à respecter nos mœurs orientales et elle tint parole ! Notez aussi que l'esclavage avait été aboli dès 1846 du fait du bey Ahmed, par ailleurs premier souverain musulman régnant à visiter officiellement un Etat non musulman, en l'occurrence la France. Ma grand-mère, l'odalisque Safiyé, "la pure" en arabe, avait, c'est vrai, été toute petite, vers 1920, un cadeau de Stamboul à la famille beylicale. Il ne pouvait être question de refuser un don venant de chez le pape des mahométans, au nom duquel la prière fut dite dans toutes les mosquées de Tunisie, sous le protectorat français, jusqu'au renversement du califat par Atatürk en 1924...", raconte Fayçal-Bey en nous guidant à travers le dédale de l'ancien harem beylical du Bardo..
. Des odalisques, c'est-à-dire des concubines serves dans la Tunisie du protectorat français (1881-1956) ? "Mais, oui, cher monsieur, la France laïque et égalitaire s'était engagée à respecter nos mœurs orientales et elle tint parole ! Notez aussi que l'esclavage avait été aboli dès 1846 du fait du bey Ahmed, par ailleurs premier souverain musulman régnant à visiter officiellement un Etat non musulman, en l'occurrence la France. Ma grand-mère, l'odalisque Safiyé, "la pure" en arabe, avait, c'est vrai, été toute petite, vers 1920, un cadeau de Stamboul à la famille beylicale. Il ne pouvait être question de refuser un don venant de chez le pape des mahométans, au nom duquel la prière fut dite dans toutes les mosquées de Tunisie, sous le protectorat français, jusqu'au renversement du califat par Atatürk en 1924...", raconte Fayçal-Bey en nous guidant à travers le dédale de l'ancien harem beylical du Bardo..
source: harissa.com
Mon humble avis:
un très beau roman,une fresque d'une partie de l'histoire de mon pays, des personnages intensement humains et attachants, un conte digne des mille et une nuits,une très grande sensibilité d'écriture.
lundi 8 mars 2010
Femmes de Tunisie
"A Carthage, lors de séjours précédents, j'avais rencontré plusieurs personnes qui évoquaient facilement ces deux héroïnes[Ellissa-Didon et la femme d'Hasdrubal] de lumière et de ténèbre.
Elles en parlaient presque comme elles auraient parlé de Sharon Stone ou de Hilary Clinton.
Elles restaient dans leurs bouches étonnamment fraîches et belles.Certains affirmaient qu'elles avaient toutes les deux inspiré une autre indomptable:la Kahina,cette princesse berbère, la reine des Aurès, la Prophétesse. Une Berbère juive, dit Ibn Khaldoun, une chrétienne selon d'autres, qui lutta jusqu'à la mort contre les envahisseurs arabes venus d'Egypte.D'autres, qui avaient remonté avec moi le labyrinthe de l'histoire en suivant ces femmes, prétendaient qu'elles menaient directement à Bourguiba, ce premier président qui avait promptement dévoilé la femme tunisienne, sans s'occuper des bigots, après l'indépendance en 1956"
jeudi 7 janvier 2010
Dictionnaire des confessions amoureuses
Il s'agissait selon la note établie par Alexandre d'un exercice de clarification des mots et des expressions en usage pour décrire l'amour; car il considérait comme piégeux, ces foutus mots , charriant des brouettes d'idées fallacieuses , et de nature à duper les candidats aux émotions durables .Par ce dictionnaire jailli de ses artères juvéniles, il entendait lutter contre la manière sournoise qu'a le langage d'ensorceler notre esprit lorsque nous réfléchissons aux choses du coeur et du sexe. Subitement épris de linguistique passionnelle, Alexandre clamait que les formes prises par notre babil façonnent notre nature,informent notre pensée et déterminent notre manière d'aimer. Il prétendait même qu'en clarifiant le vocabulaire qui ne cesse de nous berner on parviendrait à mieux résoudre nos tracas conjugaux. Pour Alexandre , clarifier revenait à dénoncer haut et fort les mythes insidieusement véhiculés. Ainsi par exemple, faire l'amour laisserait entendre aux inattentifs que l'acte charnel fabrique l'amour. Aimer, écrivait-il plus bas, est un verbe authentique- suractif même!- et l'époque ne s'en aperçoit guère. Il lui paraissait urgent de faire saisir aux époux que ce verbe doit servir à décrire une action bien réelle, un ensemble d'initiatives concrètes et non une simple émotion. Aimer passionnément, s'insurgait-il dans la paragraphe suivant, fait odieusement référence à la passion du Christ, donc à une torture,.Ce qu'il jugeait intolérable. L'abandon sentimental n'a rien à voir avec l'épopée de ce célèbre crucifié, éructait-il. Sortons de cette confusion et préférons aimer à plein bonheur. Chose plus grave encore; ils se marièrent, furent heureux et eurent beaucoup d'enfants arrive toujours à la fin d'un récit, remarquait-il, lorsque les péripéties sont terminées .Quel scandale de ne jamais l'employer en début de roman; ce qui sous-entend que les gens heureux n'ont plus d'histoire à déguster!Nous sommes amoureux est hélas fréquemment utilisé par les tourtereaux , comme s'il suffisait d'être une émotion amoureuse pour profiter effectivement de son amour!déplorait-il avec irritation. De même que , ma chérie laisse imaginer par l'emploi du possessif que la propriété de l'autre rendrait plus cher à notre coeur. Quant au fameux je t'aime,Alexandre le trouvait prodigieusement équivoque. En effet, comment confondre en un seul terme convoiter un joli cul, goûter un caractère et être prêt à verser plus tard une pension alimentaire?Il s'indignait contre l'emploi délétère du fameux fou d'amour qui laisse accroire qu'il faudrait en passer par la folie pour aimer démesurément .Comme si l'amour sans frein ne nécessitait pas beaucoup de raison, comme s'il n'était pas requis par la raison elle même.
Alexandre Jardin
Quinze ans après
Inscription à :
Articles (Atom)